Roger Levaché (1908-1942)

Tête haute, casquette bien ajustée typique de la coiffure populaire masculine des années de l’entre-deux guerres, veston du dimanche et chemise façon col Mao, voici Roger Arnoult Levaché vers l’âge de 27 ans, quelques années avant la Seconde guerre mondiale. Les traits réguliers, avec un brin de défi dans le regard droit et franc, on le découvre fier, volontaire, sûr de lui et semblant avoir une bonne estime de lui-même.

Très tôt orphelin de père, il reçoit de sa mère une éducation laïque et républicaine, empreinte de tolérance et de respect d’autrui, non hostile à l’Église mais excluant toute référence confessionnelle. Le souvenir que laisse Roger Levaché chez ceux qui l’ont bien connu est celui d’un homme « comme tout le monde », honnête, convivial et généreux, attaché aux bonnes relations avec ses semblables, fussent-ils ses adversaires de classe. Dur au travail, il aime sa terre et sa famille mais aussi les fêtes et la compagnie des copains du village, particulièrement celle de ses camarades du Parti (dont son ami Gilbert Cintrat) qu’il rencontre dans les réunions de cellules où se discutent, avant la guerre comme au début de l’Occupation, les actions à entreprendre.

Issu d’un milieu modeste, Roger Levaché aspire à d’autres perspectives pour lui-même et les siens, souhaite changer l’avenir des familles besogneuses de son village, améliorer leur quotidien et celui de tous les déshérités au sens large. Bien naturellement, on trouve ici la source de son engagement dans les rangs d’un parti de gauche (le communisme, dans son acception émancipatrice) en vue de plus d’égalité et de justice sociale.

Exerçant à Marcoussis le métier de maraîcher, il est maintenant devenu un homme connu des habitants du lieu, un personnage dont on parle dans la région à cause de ses choix de société, de son franc-parler et pour s’être présenté comme candidat, opposé à monsieur le maire de la ville, lors des élections municipales de mai 1935.

Il suit assidument les luttes sociales et politiques des années trente alors que la guerre menace et que la mémoire du dernier conflit demeure encore vivace en France. C’est une période troublée, marquée par la crise économique, où s’expriment des passions exacer-bées par de « nombreux désordres intérieurs »[1], où s’exercent des tensions antagonistes extrêmes, de nature souvent violente. Grèves, manifestations, émeutes se succèdent sur fond de lutte antifasciste, pour l’aboutissement d’un Front populaire de gouvernement et de condamnation de la « non intervention » dans la guerre civile espagnole.

Très vite (dès 1937), Roger Levaché se fait remarquer par ses articles dans la page locale de la presse agricole et se retrouve fiché à la préfecture de Versailles en tant qu’agitateur politique. En 1939, assimilé à un « indésirable » au même titre que les étrangers (Juifs, réfugiés espagnols, opposants autrichiens et allemands), il devient, dans le cadre de la politique d’exception décidée par le président du Conseil, Édouard Daladier, la cible des diverses mesures adoptées par le gouvernement français à l’encontre des communistes. Mais, ni l’approche de la guerre, ni les risques d’emprisonnement consécutifs à l’approba-tion et au soutien du pacte germano-soviétique, non plus que les divergences qui vont naître au sein du Parti, ne modifieront ses convictions et sa détermination à participer à la bataille idéologique. Avec ses camarades paysans et ouvriers, c’est prioritairement la lutte anticapitaliste et antifasciste qui le mobilise.

Rappelé en septembre 1939, surveillé pendant la « drôle de guerre », il retrouve les siens après l’armistice, reprend sa charrue mais également ses activités militantes. Maintenant, c’est l’heure des actions de propagande contre le pouvoir installé à Vichy collaborant avec l’occupant nazi. En juillet 1940, la IIIe République a cessé d’exister, la Révolution nationale de Philipe Pétain se met progressivement en place. Dans le prolongement des décrets et lois pris par l’ancien gouvernement contre les « rouges », appliqués mais encore aggravés par le nouveau régime, Levaché se voit à nouveau poursuivi avec acharnement par l’appa-reil administratif et policier, puis détenu cette fois en vertu des mesures d’exclusion édic-tées par le chef de l’État français.

 

 



[1] Serge Wolikow, préface in Pascal Convert, Joseph Epstein, Bon pour la légende, p. 14, éd. Séguier, 2012.

 

Enfin, dans la dernière période (1941-1942), alors que la résistance communiste se lance dans la lutte armée et que l’enfermement de Levaché se poursuit dans d’autres camps, il subit la répression infligée par les Allemands qui ont décidé de mettre en place une poli-tique des otages…